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  • Photo du rédacteurThe Wood Trickster

S'adapter au pigeon, s’adapter au spectateur : ce que les magiciens ne savent pas faire.

Dernière mise à jour : 29 juil. 2020


Il est intéressant de noter que malgré l’important arsenal dont dispose un magicien pour « mystifier » son public, force est de constater que celui-ci est bien souvent un peu trop… pareil, peu importe celui qui regarde.


Certes, souvent, le tour peut se suffire à lui-même pour interpeler, étonner quelqu’un…Parfois, il est présenté avec une mise en scène ou un texte qui sert l’effet… Souvent, il faudra dans cette situation, s’estimer heureux de trouver un magicien qui prend soin d’aller un peu plus loin que l’effet « brut ».

Cependant, ce que le magicien oublie trop souvent est ce que son alter ego maléfique (l’arnaqueur) n’oublie jamais : tenir compte de la personne qu’il a en face de lui, de sa psychologie, de ses valeurs, de ses attentes personnelles, etc.


Combien de fois ai-je vu un magicien aborder une table, un groupe, un spectateur de la même manière, peu importe les individus… Et déballer sa prestation faite des mêmes effets, dans le même ordre, avec les mêmes punchlines au même moment… Un peu comme si le spectateur était à peine là… Créant alors une distanciation de plus en plus grande entre l’exécutant et son spectateur…

Parfois, l’exécution n’est pas mauvaise, même bien faite, mais pourtant l’alchimie ne se crée pas : chacun reste dans une situation respectueuse de politesse…

Le spectateur comprend que le magicien fait son boulot et est assez intelligent même pour reconnaitre que ce dernier est surement bon, et qu’il est donc normal de lui laisser faire son travail…Même si bizarrement l’intérêt pour la chose montrée n’arrive pas à naître, le spectateur, avec un sourire de convenance , attend que le moment passe.


Il y a deux raisons principales qui mènent à ça :


-Soit celui-ci s’écoute trop parler, se regarde faire son tour sans tenir compte du spectateur et est incapable de jauger le niveau réel d’intérêt pour ce qui est présenté : il est dans sa bulle et est persuadé d’avoir fait mouche.


-Soit le manque d’intérêt du spectateur est ressenti, et les deux attendront que le mauvais moment passe….Le spectateur remerciera comme pour congédier avec politesse par un sourire de convenance pincé.

Le magicien qui a du mal a comprendre de son côté comment il en est arrivé là, sera surement soulagé de quitter cette table « de cons qui ne comprennent pas la chance qu’ils ont de voir de la magie rapprochée » (en effet, le spectateur avait déjà vu de la magie mais seulement à la télé).


On remarquera qu’il y a peu de chance que cela arrive avec un escroc : la raison principale est la différence qui réside dans l’approche faite par l’arnaqueur…

En effet, l’escroc va généralement s’assurer, avant de faire son arnaque, que la victime aura le profil correspondant pour tomber dans le panneau. A défaut, il invente une arnaque sur-mesure pour son pigeon en prenant en compte : son passé, ses hobbies, ses valeurs, son niveau de compréhension, etc.

Cela est bien représenté dans le film « Arrête moi si tu peux » lorsque Leonardo Di Caprio passe en revue les guichetières afin de trouver celle sur qui il estime qu’il aura le plus d’influence. D’ailleurs, vous pouvez retrouver cette scène ici :


Peut-être le magicien a-t-il lui tendance à se reposer sur les tours qu’il présente en estimant que leur mécanique serait suffisante à captiver n’importe qui. C’est faux.

Certes, un tour est toujours plus approprié lorsqu’il est de circonstance, mais cette situation n’est pas fréquente encore moins lors d'une prestation professionnelle.

Pour autant, ne serait-il pas plus intéressant de s’adresser au public avec un tour, un effet ou un texte, qui « parlera » directement au spectateur… Cela peut alors soit passer par le choix du spectateur à la table dont je sens qu’il sera le plus sensible à mon effet, soit par le fait que le magicien dispose d’un bagage d’effets et de connaissances nécessaires pour pouvoir rapidement, après avoir identifié et cerné son spectateur, lui présenter un effet qui sera le bon, celui qui emportera son adhésion.


Le problème, voyez-vous, est donné dans le nom même de ce que présente un magicien : UNE ROUTINE.

Malheureusement, cela est trop souvent pris au premier degré : le magicien rentre dans une routine… n’oublions pas que selon un personnage de Becket, « la routine est un éteignoir »…alors que le rôle d’un magicien est aussi de rallumer la flamme de l’étonnement et de l’intérêt pour l’incompréhensible.


Trouver le bon tour pour la bonne personne revient à trouver la bonne personne pour l’arnaque envisagée. C’est souvent ce qui fera la différence entre le succès et l’échec…

Cela marche dans les deux sens, donc si votre tour n’est pas adapté à la personne soit vous ne le faites pas, soit vous trouver instantanément, une répartie accrochante, un autre effet plus adapté…sinon explorer le Jazz Magic.


Je ne vois pas l’intérêt de venir avec une mallette pleines pour ne pas déroger à ce que vous avez prévu de faire et ne pas utiliser son contenu pour plus d’adhésion.


Oser l’empathie du spectateur afin de lui montrer ce qu’il veut voir…l’escroc lui sait être emphatique pour emporter l’adhésion de sa victime…

Vous n’emportez pas l’adhésion de votre public, changez de stratégie.


Le magicien demande au spectateur de s’investir dans ce qu’il lui est présenté mais s’adresse t-il à la bonne personne et est-il lui-même investi comme il le devrait?




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